La conférence environnementale a permis d'annoncer une accélération des rénovations thermiques de l'habitat ancien. C'est une bonne nouvelle pour la transition énergétique même si des doutes subsistent sur le financement de cette mesure.
Mais le développement de cette filière utilise des matériaux qui ne sont pas toujours propres. Comment éviter que ces rénovations se fassent avec des matériaux polluants fabriqués dans des pays à bas salaire ? Comment développer l'usage d'isolants écologiques ?
Le marché de l'isolation thermique est très important en France et a fortement augmenté depuis 20 ans car 70% du parc immobilier existant ont été construit avant 1975 hors toute réglementation thermique et acoustique. Ce marché est dominé par la laine de verre et -dans une moindre mesure- par la laine de roche.
Or, le bilan environnemental de ces deux matériaux n'est pas bon. L'énergie grise (la quantité d'énergie nécessaire au cycle de vie du matériau : fabrication, transport, recyclage en fin de vie) est importante. Le bilan carbone n'est pas bon non plus, la confection de ces matériaux émettant du carbone de manière considérable.
De plus, ces matériaux sont fabriqués généralement par des grands groupes industriels qui ont une fâcheuse tendance à délocaliser leurs usines là où les normes sociales et environnementales sont plus favorables à leurs activités.
Il existe, par contre, de nombreux produits fabriqués localement dont le bilan environnemental est bien meilleur : chanvre, fibre de bois, laine de lin, paille de blé, laine de mouton, isolants issus du recyclage. L'énergie grise utilisée est plus faible et souvent ces produits sont des puits de carbone qui conserve le gaz carbonique à l'intérieur d'un matériau dans lequel il va rester stocker pendant des décennies, ce qui est excellent pour la planète ! (*)
Malheureusement, l'écart de prix entre ces isolants écologiques et les isolants industriels les plus courants est très important : Ainsi, la laine de verre coûte environ 10 euros le mètre carré pour 30 à 60 euros pour la majorité des isolants écologiques (à l'exception de la botte de paille, la seule a être concurrentielle en matière de prix).
Dans ce contexte, quelle méthode faut-il utiliser pour développer l'usage de ces matériaux ?
Il est illusoire de croire que le changement de réglementation puisse jouer un rôle dans ce domaine. Les lobby industriels arriveront à retarder ou supprimer les mesures les plus contraignantes.
La fiscalité environnementale est la seule susceptible de faire évoluer le secteur. Comment s'y prendre ? La méthode choisie consiste à utiliser deux taux de TVA différents pour les deux types de matériaux. Les isolants utilisant des matériaux issus du sous-sol (laine de verre ou de roche) ou d'origine synthétique (polystyrène) sont séparés des isolants "naturels" d'origine végétale, animale ou issus du recyclage. Cette séparation a le mérite de la clarté : seul les matériaux utilisant 100% d'isolants d'origine "naturelle" aura un taux réduit.
Les premiers adoptent une TVA plus élevée, les seconds une TVA diminuée. L'écart reste au départ faible (d'un point par exemple : 18,5% et 20,5%). Puis, cet écart augmente d'année en année. L'écart de TVA n'a pas pour objectif d'égaliser les prix entre les différents matériaux, ce qui est impossible, car les isolants écologiques resteront plus coûteux.
Mais par contre, il aura deux effets :
-l'affichage des deux taux va permettre de donner de la visibilité aux isolants écologiques. Cela va devenir un argument de vente pour des consommateurs qui ne regardent pas uniquement le coût du matériau mais cherchent aussi à adopter des gestes écologiques. Cela va constituer une signature efficace pour guider le consommateur qui reconnaitra immédiatement les isolants 100% "naturels".
-le différentiel entre les deux taux va dégager des ressources puisque la vente d'isolants polluants sera plus importante que celle des isolants "naturels". Ces ressources financières ne seront pas intégrées au budget de l'Etat. Elles seront attribuées à un fond, régionalisé, géré par les acteurs locaux du secteur. Cet argent sera utilisé pour des investissements dans des entreprises désirant se développer dans ce secteur. Monter une petite usine fabriquant des panneaux de bois à partir des ressources locales en déchets forestiers ou de scieries, développer une activité d'utilisation de la laine de mouton ou de chanvre dans des rouleaux isolants pourra être subventionné localement. Le soutien a ces entreprises va favoriser l'emploi et l'activité économique.
Ainsi, le développement d'une activité économique écologique sera subventionné directement par la taxation écologique, développant l'emploi local et évitant le recours à des matériaux polluants, venant de pays où les normes sociales et environnementales sont catastrophiques.
La fiscalité environnementale, sous la forme de contributions incitatives, comme celle que nous venons de présenter ici, constitue à la fois une manière d'accélérer la transition écologique mais aussi une manière de lutter contre les ravages d'une globalisation économique qui détruit l'emploi et freine la croissance.
(*) Pour des chiffres précis sur ce bilan environnemental, il faut se référer à l'ouvrage de S Courgey et JP Oliva "l'isolation écologique" (éd Terre Vivante) et à la base de données de référence Baubook.
12/10/2012 - 10:58 - Source: agoravox.fr