Si vous organisiez mieux vos chantiers pour gagner plus ?

Trop souvent, les entreprises négligent l’organisation de leurs chantiers. Pour ne pas être financièrement perdant, il ne faut plus ignorer cette étape.



L’organisation d’un chantier se pense très tôt. Après une consultation, l’entrepreneur doit démarrer son étude, celle qui permettra la signature du devis. « Idéalement, il faudrait pouvoir se projeter, imaginer une organisation au moment où l’entreprise répond à un appel d’offres, estime Dominique Poirot, animateur métier à la Fédération régional du bâtiment de Bretagne. Le seul moment où l’on peut conserver sa marge, c’est encore le moment de la préparation, que ce soit dans sa politique d’achat, dans l’élaboration de sa méthode ou dans le choix des hommes. C’est fondamental ! »

Avant même le devis, l’entrepreneur a donc tout intérêt à cerner les en jeux du chantier qu’il vise. À partir du moment où le devis est signé, il a force de contrat,peu importe les erreurs estimatives. D’où l’intérêt de mener une étude qui permet d’établir correctement une marge qui pourra se transformer en bénéfice une fois le chantier terminé. S’ensuivront la préparation du chantier, puis le lancement des travaux.La mise au point technique, les modes opératoires et les procédés utilisés ainsi que les installations de chantiers doivent être aussi réfléchis en amont. Si l’entreprise dispose de plusieurs mois avant de démarrer son chantier, elle peut négocier auprès de son fournisseur habituel et le mettre en concurrence ou bien trouver une nouvelle technique afin de dégager du temps pour la réalisation.

La prévision du temps est, en effet, au cœur des enjeux de l’organisation des chantiers. « Si je prévois 50 heures d’intervention à 30 €/h, soit deux ouvriers pendant quatre jours, et qu’au final, le chantier exige un jour supplémentaire, le coût global sera de 480 € que le client ne paiera pas, explique Mathieu Wanner, dirigeant de Bâtisphère, spécialisé dans l’accompagnement de la gestion et du développement des entreprises du BTP (voir « 3 questions à Mathieu Wanner »). Un supplément non facturé coûte une fortune ! »

Exigence face à la performance énergétique

Réduire les aléas, c’est être capable de s’adapter aux exigences de performance énergétique, et donc à l’interface avec les autres corps de métiers. Il peut être judicieux de contacter le plus tôt possible les différents intervenants pour éviter tout empiétement sur sa propre organisation. Ainsi, dès la signature des devis, l’artisan peut demander le ou les contacts des corps de métiers dont il dépend pour commencer son propre lot. Le chantier terminé, il sera temps de comparer ce qui a été prévu et ce qui a été réalisé. Vérifier et comprendre les raisons des écarts qui composent le prix de revient, entre le déboursé de chantier et le déboursé sec, c’est se donner vraiment la capacité de pérenniser son activité en dégageant une rentabilité.

Impressions d'artisans : l’organisation de vos chantiers est-elle un gage de rentabilité ?

Manuel Barbaux, maçonnerie et rénovation, 13 salariés, Plombières-les-Bains (88)

« La préparation des chantiers est un élément clé et le degré d’exigence doit être comparable à celui d’une grande entreprise. Matériels, fournitures et moyens humains doivent être dissociés et organisés sur deux plannings, un à long terme et un journalier. C’est toujours ce dernier qui est le plus difficile à tenir, mais sans planning, l’entreprise ne peut pas être rentable. »

Sylvain Fourel, construction bois, Scop, 40 salariés, Baillargues (34)

« En se spécialisant dans la préfabrication tridimensionnelle en bois et en organisant une Scop avec douze entreprises, nous utilisons le « temps masqué ».Nous préfabriquons à plusieurs entreprises, simultanément et en un même lieu, en parallèle de l’intervention du gros œuvre sur la dalle. Si nous avons gagné 5 % de rentabilité en 2012, le gain est plus fonctionnel qu’économique. »

Léopold Petitdemange, maisons ossature bois, 8 salariés, Grandvillers (88)

« La préfabrication des maisons en ossature bois réduit considérablement notre temps d’intervention. En trois semaines, nous réalisons une maison hors d’eau hors d’air, avec les murs, bardages et fenêtres, sans lien avec les autres corps de métiers. L’organisation du chantier se joue dans l’entreprise, dès le devis, en étudiant les plans, et en anticipant les aléas de chantiers. »

Bruno Rosec, photovoltaïque, 2 salariés, Landivisiau (29)

« Tous les travaux, les quantités de matériaux et l’utilisation de la main-d’œuvre, sont répertoriés, analysés et interprétés au quotidien. Ils serviront pour les chantiers suivants. C’est la base de notre réussite. Par ailleurs, je valorise toutes mes charges en les reportant sur le volume horaire de la main-d’œuvre vendu, en dégageant une marge minime sur les produits. »

 


FOCUS

Trois questions à Mathieu Wanner, dirigeant de Bâtisphère (1) : " Il faut réaliser le déboursé de chantier"

Comment optimiser l’organisation de ses chantiers ?

Mathieu Wanner : Il est nécessaire de réaliser le déboursé de chantier, pour décomposer un prix de revient. La main d’œuvre et les consommables représentent le déboursé sec auquel il convient d’ajouter un coefficient de frais généraux. Ceux qui oublient de l’intégrer ne peuvent pas dresser convenablement leur bilan prévisionnel. Les entreprises doivent appréhender l’année comme un énorme chantier !

Que change l’obligation de performance énergétique ?

Mathieu Wanner : La performance énergétique oblige les entreprises à communiquer entre elles pour s’engager dans une démarche collective.  Non seulement, l’intervention d’un maître d’œuvre ou d’un coordonnateur général est nécessaire mais de nombreux artisans vont vivre un profond changement culturel avec l’interlocuteur unique dans le cadre de l’offre globale.

Quel est l’avenir en matière d’organisation ?

Mathieu Wanner : Parce que les entreprises peuvent difficilement augmenter leurs prix, elles doivent optimiser leurs modes de fonctionnement. Elles devront passer plus de temps au bureau pour en dépenser moins sur les chantiers. Cela passe par une élaboration accentuée des études en amont ou la négociation des achats de matériaux.

(1) Conseil et accompagnement en gestion et développement des entreprises du BTP.


FOCUS

Coefficient de frais généraux

Pour dégager le prix de revient, le déboursé sec (coût des matériaux, main d’œuvre, frais supplémentaires et frais de fonctionnement) doit être associé à un coefficient de frais généraux qui doit être réactualisé au moins deux fois par an en fonction des investissements ou de la survenance d’aléas (perte d’outillages…). Dans une entreprise structurée, même de petite taille, bien assurée, avec des véhicules, du personnel administratif, le pourcentage de frais généraux peut atteindre 20 %, soit un coefficient de 1,20 qui est multiplié au montant des matériels, matériaux et main d’œuvre nécessaires pour un chantier. Le résultat aboutit au coût réel engagé, auquel il convient d’ajouter une marge.

Laurent Duguet - Moniteur Entrepreneurs & Installateurs | Source LE MONITEUR.FR